Audacieuse et profondément engagée, Laetitia Mendes a choisi de transformer son parcours personnel en mission collective. Experte en image et en communication, elle a longtemps exercé en tant que « relookeuse solidaire », auprès de femmes fragilisées par la maladie ou leurs complexes. Mais c’est une histoire plus intime qui bouleverse sa vie et donne naissance à son plus grand combat : l’association Geneticancer, fondée en 2016.
Interview Laetitia Mendes
Porteuse d’une mutation génétique BRCA2, Laetitia est confrontée très jeune à une réalité brutale : une prédisposition élevée aux cancers du sein et de l’ovaire. Ce gène, transmis de génération en génération, a déjà frappé sa mère, qu’elle accompagne dans la maladie, ainsi que d’autres proches. Pour briser cette fatalité, elle décide à 26 ans de subir une double mastectomie préventive. Une décision lourde, mais libératrice.
Longtemps, elle n’osait pas mettre de mots sur ce qu’elle traversait. Le déclic survient quand Angelina Jolie révèle publiquement sa propre mastectomie préventive. « Soudain, c’était plus facile de dire : comme Angelina Jolie, j’ai fait cette démarche », confie-t-elle. Cette médiatisation lui donne l’élan d’écrire son livre Mon petit gène, ma seconde chance (éd. Anne Carrière, 2014).
Son témoignage trouve aussitôt un écho. Des femmes, des familles entières la contactent pour échanger. Elle réalise alors qu’il n’existe aucun lieu pour informer et accompagner les personnes porteuses de mutations génétiques prédisposant aux cancers. De cette urgence naît Geneticancer, aujourd’hui référence nationale.
Votre histoire familiale a-t-elle été déterminante dans votre engagement ?
Oui, absolument. C’est le fait de devenir un témoignage vivant qui a déclenché ma volonté de créer une plateforme d’échanges, de vulgariser un sujet assez complexe pour qu’il soit accessible. Au fil de mon récit, j’ai rencontré des familles et des femmes concernées par la même problématique. J’ai compris qu’il y avait une attente immense pour trouver une association, un lieu de soutien, des ressources adaptées. Petit à petit, un tissu s’est construit, et aujourd’hui, cela fait presque dix ans que Geneticancer existe.
Comment avez-vous vécu l’annonce de votre propre mutation BRCA2 à seulement 26 ans ?
J’ai appris, sans grande surprise, que j’étais porteuse du BRCA2. Je pressentais depuis longtemps que ce n’était pas le hasard si le cancer frappait génération après génération. J’ai fait le test avec ma mère, déjà malade. Moi, j’étais encore indemne. Il n’y avait pas de retour d’expérience sur la prévention. Alors je me suis demandé : qu’est-ce que je vais faire de cette information ? Comment en faire une seconde chance ? Je ne voulais pas que ce gène m’enlève quelque chose, je voulais qu’il me pousse à aller de l’avant, à construire, à ne pas vivre de façon isolée.
Votre livre a-t-il été un moyen de transformer votre histoire en message universel ?
L’Institut Curie connaissait mon histoire et assez vite, on m’a demandé de témoigner. J’ai trouvé un sens immédiat : il fallait que mon expérience serve aux autres. J’ai mis l’histoire de ma famille au profit du grand public et au service d’un sujet de santé publique. On peut vite s’oublier dans cette mission. C’est une grande responsabilité, je m’en rends compte après 10 ans, mais c’est comme ça qu’on en fait une belle histoire !
Comment avez-vous structuré l’association Geneticancer pour répondre aux besoins des familles ?
Dès le départ, j’ai compris qu’il n’était pas seulement question du BRCA2. Il existe plus de 400 gènes prédisposant aux cancers. Je voulais une association visionnaire, capable d’intégrer cette diversité. Nous avons donc construit Geneticancer avec un comité scientifique solide, composé de scientifiques, d’oncogénéticiens, d’oncologues… L’idée est d’offrir un socle d’informations : des brochures, des conférences, un site internet, des conseils pour l’annonce aux proches, aborder le facteur psychologique. Tout est pensé pour rendre compréhensible un sujet complexe et permettre aux familles de se sentir soutenues.
Vous avez aussi développé un réseau d’ambassadrices locales. Quel est leur rôle ?
Je ne voulais pas d’une association parisienne. L’idée, c’est d’être présent partout en France. Les ambassadrices sont des femmes qui ont elles-mêmes traversé ces parcours. Elles favorisent un accompagnement local, plus humain : une femme porteuse de la même mutation peut entrer en contact avec une autre, traversant les mêmes étapes, et trouver un espace d’échange.
Comment sensibiliser les jeunes générations à ces enjeux ?
J’ai une fille de 20 ans, donc c’est un sujet quotidien. Elle vit une réalité différente de la mienne : moi, à 20 ans, ma mère était en plein traitement. Elle, elle a l’impression qu’elle a le temps. C’est pour ça qu’il est essentiel de sensibiliser les jeunes. Avec notre programme Geneteens, on accompagne les 15-25 ans. On aborde la dimension psychologique, mais aussi la prévention concrète : autopalpation, imagerie, tests génétiques quand c’est nécessaire. Pour moi, l’avenir se joue au coeur des jeunes générations.
Quels sont les projets futurs de Geneticancer ?
Nous fêtons nos 10 ans ! Pour la première fois, nous avons pu embaucher une salariée, ce qui est une étape importante après des années reposant uniquement sur des bénévoles.
Nous voulons renforcer nos actions grâce aux dons, développer nos partenariats européens et internationaux et mutualiser les ressources. La génétique est un domaine prometteur, et j’espère qu’un jour, nous pourrons imaginer un monde sans cancer incurable.


Un grand merci à Laetitia Mendes, présidente et fondatrice de Geneticancer, pour son engagement et ses paroles inspirantes. Pour découvrir l’association, s’informer sur les cancers génétiques ou apporter votre soutien :
geneticancer.org
Instagram : @geneticancer