Aimer être dominée au lit quand on milite pour l’égalité ? Pour certaines, c’est un paradoxe ; pour d’autres, juste une facette du plaisir. Dans un monde où la sexualité féminine est encore souvent passée au scanner du “cohérent” et du “politiquement correct”, la question interpelle : peut-on être féministe et aimer la soumission au lit ? Spoiler : oui. Mais comme toujours, tout est une question de contexte, de consentement, et surtout, de choix.
Soumission au lit : consentement, communication et plaisir
La première chose à comprendre, c’est que la soumission consentie n’a rien à voir avec la domination imposée. Dans les jeux de rôle, le BDSM ou les dynamiques de pouvoir érotiques, tout repose sur le consentement explicite, la communication, et la confiance mutuelle. La vulnérabilité peut même devenir un espace de puissance. Choisir d’être soumise, c’est justement exercer son pouvoir : celui de décider comment, quand, et avec qui.
Féminisme et sexualité : casser les clichés
Le féminisme ne dicte pas comment jouir — il défend la liberté de choisir. Aimer la soumission au lit ne signifie pas cautionner la domination patriarcale, pas plus qu’aimer la lingerie n’empêche de plaider pour l’égalité salariale. Certaines femmes trouvent dans la soumission érotique un espace de lâcher-prise, d’abandon en confiance. Ce n’est pas un renoncement à leur autonomie, mais une façon de se reconnecter à leurs désirs, sans filtre. La sexologue féministe Lucie Groussin le dit très clairement : “Pour moi, ce n’est pas une question. Parce que c’est complètement autre. Ce n’est pas l’arrivée de la pornographie ou d’Internet qui a instauré la soumission ou la domination dans l’acte sexuel. Ce sont des dynamiques érotiques anciennes, fondamentales. L’important, c’est le consentement.”
Mais elle nuance : “Ce qui est intéressant, c’est de réfléchir à nos premiers émois, à la manière dont la pop culture a façonné notre imaginaire érotique. Évidemment qu’on est tous biberonnés à des modèles romantiques et sexuels. Mais dans ma patientèle queer, ces questions se posent moins : il y a souvent plus d’ouverture sur les jeux de domination. C’est surtout dans les couples hétéros que ça crée du malaise. Ce qu’il faut surveiller, c’est la banalisation de certaines pratiques, comme la strangulation, faites sans demande ni discussion. Ce n’est pas anodin. Le consentement doit toujours primer.”
Nos désirs sont-ils vraiment les nôtres ?
C’est une question vertigineuse : nos fantasmes viennent-ils de nous, ou de la culture qui nous entoure ? La sexologue cite le philosophe Alexandre Lacroix, auteur d’Apprendre à faire l’amour, qui distingue les “scripts intrapsychiques” (nos désirs intimes) des “scripts culturels” (ceux que nous avons appris par le cinéma, la littérature, la pornographie…). En clair : notre époque nous a un peu tous programmés. Mais cela n’invalide pas nos désirs — cela invite juste à les questionner.
“Ce débat me fait penser aux femmes qui culpabilisent de regarder du porno. Ce n’est pas le fantasme qui est problématique, c’est sa représentation, souvent sans éthique. Tant qu’on reste dans le consentement, rien n’est contradictoire.”
Désir et conviction : trouver son équilibre
Être féministe, ce n’est pas cocher une liste de comportements “ok”. C’est être libre de s’écouter, d’explorer, et d’imposer ses limites. Pour concilier désir et conviction, tout part de la communication : dire ce qu’on veut, ce qu’on ne veut pas, et ce qu’on est curieuse d’essayer. La soumission peut devenir un jeu, un rituel ou une scène, tant qu’elle s’inscrit dans un cadre sûr, clair et choisi. Et surtout, inutile de culpabiliser : aimer être dominée n’est pas une faiblesse, c’est un choix conscient.
Quand c’est trop lourd, en parler
Si cette question du pouvoir dans le couple ou la sexualité pèse trop, ou si une pratique devient inconfortable, il est essentiel d’en parler. À son ou sa partenaire, à des amis de confiance, ou à un.e sexologue. La sexualité se construit, se déconstruit et s’explore.
En réalité, le vrai féminisme ne se joue pas dans la position qu’on adopte au lit, mais dans la liberté de choisir cette position. La liberté sexuelle et le féminisme ne sont pas des camps adverses : ils partagent le même socle — le respect, le consentement, et le droit d’être soi.
Alors, soumise ou dominante : qu’importe, tant que c’est choisi.