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Alimentation émotionnelleTCA

Pourquoi on “mange ses émotions” ? Une experte nous répond

Par Sarah Hellec | Publié le 10/07/2025

Quand la nourriture devient un refuge émotionnel

Qui n’a jamais grignoté pour se consoler ou craqué sur du chocolat après une journée stressante ? Parfois, on cherche du réconfort dans une tablette ou un paquet de chips. Alexandra Murcier, diététicienne nutritionniste formée au suivi des troubles du comportement alimentaire (TCA), nous aide à mieux comprendre ce phénomène courant – et souvent culpabilisant – de l’alimentation émotionnelle.

De quoi parle-t-on exactement ?

Ce qu’on appelle “manger ses émotions”, c’est le fait de consommer pour gérer ses émotions négatives. Par exemple, des personnes qui vont grignoter entre les repas, ou alors qui vont manger beaucoup plus sur les repas, pour gérer du stress, de la solitude, de la tristesse, de l’anxiété…

Pourquoi on mange quand ça ne va pas ?

Quand on est stressé, une zone du cerveau appelée l’amygdale s’active. Elle stimule le système limbique, ce qui augmente le besoin de comportements apaisants, comme manger. Le stress entraîne aussi une hausse du cortisol, une hormone qui augmente l’appétit et pousse à consommer des aliments riches en sucre et en gras, parce qu’ils ont un effet réconfortant.

Enfin, les glucides, qui contiennent du sucre, stimulent la production de sérotonine, un autre neurotransmetteur qui aide à réguler l’humeur et qui apaise.

À quel moment ça devient problématique ?

Quand ça se répète souvent : plusieurs fois par jour, ou plusieurs fois par semaine. Quand ça commence à avoir un impact sur le poids, la santé ou la confiance en soi. Les personnes qui ont ce type d’habitudes peuvent entrer dans un cercle vicieux : plus elles se sentent mal, plus elles mangent, et plus elles culpabilisent.

C’est aussi préoccupant quand ça isole socialement : si on refuse un resto entre amis parce qu’on a peur de « craquer » ou qu’on préfère rester chez soi pour manger n’importe quoi, c’est un signe qu’il y a un vrai malaise.

Comment reconnaître que l’on mange ses émotions ?

Il faut prendre le temps d’observer son comportement alimentaire. On peut le faire seul, en notant ce qu’on mange, ou avec l’aide de quelqu’un. Le but, c’est de repérer s’il y a beaucoup de grignotages, et de se poser honnêtement cette question : “Est-ce que j’ai faim, ou est-ce que j’ai juste envie de manger ?”

Si on remarque que, systématiquement, après une réunion, après une discussion tendue, ou juste avant une tâche au travail, on ressent une envie irrépressible de manger… c’est là qu’on peut faire le lien avec les émotions.

Comment distinguer la vraie faim de la faim émotionnelle ?

D’abord, il faut bien équilibrer ses repas. Ne surtout pas réduire ce qu’on mange aux repas sous prétexte qu’on a grignoté, car cela alimente le cercle vicieux de la faim… et donc du grignotage.

Ensuite, il s’agit de prendre du recul sur ses émotions. Identifier celles qui déclenchent ces envies de manger. Enfin, je recommande toujours à mes patients de trouver des alternatives apaisantes, des activités qui aident à gérer les émotions autrement. Ce n’est pas une recette miracle, mais notre cerveau fonctionne ainsi : il ne supprime pas une habitude, il la remplace.

Qui faut-il consulter ?

Si on s’oriente vers une nutritionniste, il est important qu’elle soit formée aux TCA. Elle pourra proposer des alternatives concrètes, aider à mieux équilibrer les repas et ainsi limiter les craquages physiologiques. Mais si ces comportements sont vraiment ancrés, un accompagnement psychologique est aussi nécessaire pour apprendre à mieux gérer ses émotions.

Votre conseil pour prendre soin de son alimentation et de son bien-être émotionnel ? Bien manger ! Quand on mange bien, le cerveau fonctionne mieux, le corps aussi, et notre microbiote est en meilleure forme.

Et surtout : prendre du temps pour soi. On vit dans un rythme effréné, on enchaîne les transports, le travail, les obligations… Et on n’a plus de moments de pause pour prendre du recul sur ce qu’on mange. Or, c’est dans ces temps de respiration qu’on commence à mieux s’écouter.

Un grand merci à Alexandra Murcier pour ses réponses et conseils.

Alexandra Murcier

alexandramurcier.com @energydiet