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Qu’est-ce que le sadfishing, cette tendance nocive pour la santé mentale ? 

Par Sarah Hellec | Publié le 04/08/2025

Avez-vous entendu parler du « sadfishing » ? Les réseaux sociaux sont devenus en quelques années le théâtre de toutes les confidences. Ruptures, burn-out, anxiété, harcèlement, deuil… Sur TikTok, Instagram ou YouTube, les récits de souffrance fleurissent. Parmi ces nouvelles formes d’expression, une tendance interroge : le “sadfishing”. Contraction de “sad” (triste) et “fishing” (pêcher, appâter), elle désigne le fait d’exposer sa détresse (réelle ou exagérée) pour susciter l’attention. Un phénomène de plus en plus répandu – surtout chez les plus jeunes – qui soulève autant d’empathie que de malaise. Alors, quête d’écoute ou mise en scène émotionnelle ?

Qu’est-ce que le “sadfishing” ?

Le terme “sadfishing” a été inventé en 2019, et décrit une attitude bien connue des utilisateurs de réseaux sociaux : publier des messages très tristes, souvent vagues, dans le but de générer du soutien ou de l’engagement. “Je vais très mal mais je ne peux pas en parler ici…”, “Je pense que c’est la fin” ou “Je n’ai plus la force” : derrière ces phrases qui apparaissent souvent dans des stories ou des posts, il y a parfois une vraie douleur… et parfois, une volonté (inconsciente ou non) d’attirer l’attention.

Pourquoi cette tendance cartonne-t-elle sur les réseaux ?

Le sadfishing prospère sur un terreau fertile. Les algorithmes valorisent le contenu émotionnel, les témoignages poignants, les vidéos “storytime” où l’on se livre sans filtre. Ces contenus génèrent plus de likes, de vues, de commentaires. Pour certains, parler de sa souffrance est une manière d’exister dans un monde numérique qui récompense l’exposition de soi. Pour d’autres, c’est un cri sincère dans le vide d’un quotidien sans oreille attentive. La frontière entre sincérité et stratégie est parfois floue.

Une vraie détresse ou une mauvaise tendance ? 

La critique principale adressée au sadfishing, c’est qu’il brouille les pistes. En banalisant les discours de mal-être, il peut invisibiliser les véritables signaux d’alerte. Quand tout le monde “va mal” en ligne, comment repérer celui ou celle qui est vraiment en détresse ? D’autant que cette exposition peut entraîner des effets secondaires néfastes : moqueries, cyberharcèlement, et une dépendance émotionnelle au regard des autres.

Chez les ados, le sadfishing peut être un appel à l’aide déguisé – mais aussi un piège. Une étude menée au Royaume-Uni a montré que les jeunes qui pratiquent le sadfishing sont plus exposés à des réactions négatives ou au harcèlement en ligne. C’est un cercle vicieux : on se livre, on est critiqué, on se sent encore plus seul.

Comment reconnaître un contenu de sadfishing ?

Difficile de juger l’intention d’une publication. Mais certains signes peuvent alerter : un ton très dramatique, des messages vagues laissant planer un doute sur la gravité de la situation, ou des phrases qui appellent clairement à la compassion sans donner de contexte. Cela ne veut pas dire que la souffrance est feinte, mais qu’elle est peut-être amplifiée, parfois sans que l’auteur s’en rende compte.

Le sadfishing : est-ce vraiment problématique ?

Pas toujours. Le sadfishing peut être une manière d’amorcer une parole, de chercher du réconfort. Il peut aussi révéler une solitude profonde et un manque d’espaces d’écoute dans la vie réelle. Le problème survient quand cette pratique devient systématique, voire nécessaire pour exister socialement. Ou quand elle expose des personnes fragiles à des commentaires malveillants.

Ce que cette tendance dit surtout, c’est notre besoin collectif d’attention, d’écoute, de validation. Et le manque cruel d’espaces d’expression sans filtre, sans jugement, sans likes à la clé.

Que faire si un proche (ou vous-même) semble pratiquer le sadfishing ?

Si vous repérez un contenu troublant chez une amie, n’hésitez pas à lui envoyer un message privé, sans jugement, pour proposer une oreille bienveillante. S’il s’agit de vous, interrogez-vous sur ce que vous attendez de vos publications : du soutien, une présence, un espace d’expression ? Tout cela est légitime. Mais il est parfois utile de chercher des réponses ailleurs : auprès d’un professionnel, d’un proche de confiance, d’un groupe de parole, d’une plateforme dédiée à la santé mentale.