Découvrez notre dernier numéro en kiosque et sur notre site !
Équilibre émotionnelNormes sociétalesPression sociale

Pourquoi les femmes devraient toujours être aimables ?

Par Sarah Hellec | Publié le 24/10/2025

“C’est pas joli dans la bouche d’une fille”. Oui et ? Depuis quand on a demandé l’avis des autres (et des hommes) pour savoir ce qu’on devait dire ou non ? Pendant des décennies, l’archétype de la “femme idéale” s’est imposé : douce, délicate, jamais un mot plus haut que l’autre, toujours un sourire prêt. On nous a appris qu’un juron ou une remarque sèche, c’était “moche”, “pas féminin”. Pourtant, se brider pour correspondre à ce moule fatigue, use, empêche de dire ce qu’on pense vraiment. Pourquoi l’amabilité resterait-elle une obligation inscrite dans le contrat social féminin ? On peut être femme et brute, cash, féminine et impertinente.

L’amabilité féminine : une injonction apprise très tôt

“Fais un sourire.” “Sois gentille.” Ces injonctions accompagnent les petites filles dès la maternelle. On attend d’elles qu’elles apaisent, qu’elles rassurent, qu’elles séduisent par leur douceur. Dans la vie pro, cette règle continue : une collègue ferme sera qualifiée de “froide”, une cheffe exigeante deviendra “autoritaire”, quand ses homologues masculins récolteront des compliments pour leur leadership.

Même dans la culture pop, la franchise féminine dérange. Adèle Exarchopoulos est pointée du doigt pour son franc-parler dans ses interviews et sa nonchalance assumée. Dans le même style, la chanteuse Miley Cyrus a dû essuyer des critiques sur son style et sa manière de parler parfois provocatrice. En outre, à cause de leur langage cru, de leur refus de se conformer aux normes de gentilles stars polies, douces et naïves. Toutes incarnent une vérité : ce qu’on reproche n’est pas tant leurs mots, mais le fait que ce soit des femmes qui parlent avec cette audace.

Quand la gentillesse se retourne contre soi

Être “trop gentille” peut se transformer en piège. C’est dire “oui” alors qu’on pense “non”, accepter des tâches ou des remarques qu’on désapprouve, minimiser ses besoins pour ne pas froisser. Ce syndrome s’infiltre partout : au bureau, où l’on tolère des remarques sous prétexte de rester professionnelle ; en famille, où l’on encaisse pour “préserver l’ambiance” ; dans le couple, où l’on s’efface pour ne pas passer pour “compliquée”.

À long terme, cette posture épuise. Elle nourrit frustration, stress et sentiment d’injustice. L’amabilité forcée, loin d’être agréable, devient une arme retournée contre soi, qui bride l’affirmation et mine la confiance.

Briser le mythe : le sourire n’est pas obligatoire

Refuser d’être aimable en permanence n’est pas une déclaration de guerre : c’est une façon de reprendre possession de sa voix. On peut choisir la politesse ou le sarcasme, l’apaisement ou la vulgarité, selon l’instant et l’enjeu. Dire “non”, exprimer un désaccord ou montrer une colère juste, ce n’est pas un échec de féminité ! C’est un signe de confiance et de pouvoir.

Les femmes publiques qui osent bousculer l’image de la “bonne fille” montrent l’exemple. L’entrepreneuse et youtubeuse Gaëlle Garcia Diaz, suivie par plus de 2 millions d’abonnés, transforme l’insulte en marque de fabrique dans ses vidéos et pour sa marque de cosmétiques Martine Cosmetics. L’humoriste Laura Laune choque avec son humour – très – noir qui rempli pourtant des salles de spectacles dans le monde entier. Ces choix dérangent (principalement, soyons honnêtes, les hommes), mais ils rappellent que l’amabilité n’est pas un standard imposé, juste une option parmi d’autres.

Être soi-même, au-delà des normes

On peut aimer être douce, accueillante, drôle — ou préférer la franchise crue, l’humour noir, l’indifférence polie. Rien de tout cela n’enlève à une femme sa valeur ou sa féminité.

L’important est de choisir ce qui semble coller à notre personnalité et à ce que l’on souhaite exprimer.

Pourquoi les femmes devraient-elles toujours être aimables ? Parce que la société le demande ? Mauvaise raison. L’amabilité n’est pas un devoir inscrit dans notre ADN. La liberté, c’est d’oser être exactement comme on veut — qu’on serve un sourire chaleureux, un sarcasme bien senti ou un silence désarmant.